Huile sur toile (rentoilée) signée F. Zonaro en bas à droite
Dans Les Nymphes de la Vallée, Fausto Zonaro propose une exploration poétique et mythologique des forces naturelles à travers des représentations allégoriques des nymphes, ces figures féminines mythologiques qui incarnent la beauté et la fertilité de la nature. L’œuvre, réalisée à Istanbul en 1908, capture l'essence de ces entités mythologiques dans un paysage vallonné idyllique, où les nymphes dansent et sont accompagnées de jeunes enfants jouant de la musique. Cette scène festive et légère, baignée d'une lumière douce et chaleureuse, suggère une communion parfaite entre l’humain et la nature.Lire la suite
Cependant, l’œuvre présentée lors de l’exposition de 1908 était incomplète. Ce n'est qu'après son retour en Italie, en 1910, que Zonaro a repris cette composition dans son atelier de Sanremo, où il a ajouté de nouvelles figures, notamment les enfants jouant de la musique. Ces ajouts viennent enrichir la scène initiale, renforçant l’harmonie et la joie qui en émanent.
L’œuvre, par son sujet et son atmosphère, porte également des résonances profondes avec les idées de Khalil Gibran, poète et peintre libanais. Gibran, qui avait publié Les Nymphettes de la Vallée en 1906, un recueil de poèmes célébrant la beauté et la liberté de la nature, partageait une vision similaire de la féminité et de la nature comme forces créatrices. Dans ses écrits, Gibran exprime la nostalgie d'un monde pur et naturel, loin des tumultes de la vie urbaine et matérialiste. Il évoque ainsi une quête de l'idéal, un retour à la beauté simple et originelle, similaire à la scène immortalisée par Zonaro.
Bien que leurs parcours artistiques ne se croisent pas directement, il existe une forte corrélation entre les œuvres de Zonaro et de Gibran. Tous deux ont été influencés par des idées similaires sur la nature, la féminité et la spiritualité. Tandis que Gibran exprimait sa vision à travers des poèmes et des dessins, Zonaro l'incarnait dans ses peintures. Les nymphes de Zonaro, dansant avec légèreté au cœur d'une vallée mystique, peuvent être vues comme une matérialisation de l’idéal que Gibran cherchait à atteindre dans son art et sa philosophie.
D’ailleurs, l'état d'esprit de Zonaro à l'époque, marqué par des bouleversements personnels et politiques, résonne également avec les thèmes de Gibran. Le peintre, après avoir été contraint de quitter Istanbul suite aux événements politiques de 1910, a créé cette œuvre comme une sorte de refuge dans un monde plus serein et symbolique, à l’image des aspirations spirituelles de Gibran.
Ainsi, Les Nymphes de la Vallée se révèle être une œuvre à la croisée de l’art et de la philosophie, où Fausto Zonaro, tout en restant fidèle à son esthétique et à son style, capture l’essence de la nature, de la féminité et de la quête de pureté, dans une époque marquée par l’instabilité. Cette œuvre nous invite à contempler un monde mythologique où les forces naturelles et humaines se rencontrent dans une danse intemporelle, symbolisant la beauté, l’harmonie et l’idéal, des thèmes chers à la fois à Zonaro et à Gibran.
Reproduit dans SULTAN’S ITALIAN COURT PAINTER FAUSTO ZONARO de Erol Makzume p.156