Abbéma Louise

La redécouverte d’une esquisse peinte pour le décor du foyer public du théâtre Sarah- Bernhardt, place du châtelet, à Paris, est tout à fait exceptionnelle. Les multiples réaménagements du théâtre, depuis sa construction, ont fait disparaître l’ensemble décoratif souhaité par Sarah Bernhardt et signé des peintres Alfons Mucha, Georges Clairin, Louis Besnard et Louise Abbéma. Notre modello revêt la valeur d’un témoignage unique sur l’histoire du théâtre de la Ville.

Le grand portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle de Jacasse par Louise Abbéma s’intégrait particulièrement à l’édifice où la pièce Les Bouffons de Miguel Zamacoïs avait été créée pour la première fois en janvier 1907. Il s’inscrit également dans une généalogie de représentations artistiques mettant en scène Sarah Berhnardt dans les rôles qui l’ont rendu célèbres.

Louise Abbéma a su rendre avec sensibilité le triple portrait de l’actrice, de la directrice de théâtre, et de la compagne chérie qu’elle a accompagnée toute sa vie.

Sarah Bernhardt signe avec la ville de Paris, un bail pour exploiter le Théâtre des Nations, place du Châtelet, à partir du 1er janvier 18991. La salle de spectacle, construite en 1862 par Gabriel Davioud, a fait l’objet de gros travaux de reconstruction depuis son incendie pendant la Commune de Paris en 1871. Le nouveau bail stipule expressément que « les travaux de peinture décorative et d’ameublement intérieur du théâtre » sont à la charge du repreneur. Les travaux dureront six mois. C’est l’occasion unique pour Sarah Bernhard de faire preuve d’originalité dans la décoration de ce lieu.

Notre esquisse peinte en 1907 représente Sarah Bernhardt en pieds dans le rôle de René, déguisée en bouffon, pour la pièce de Miguel Zamacoïs. La première représentation des Bouffons, pièce en quatre actes et en vers, a lieu le 25 janvier 1907. C’est une création pour le théâtre Sarah- Bernhardt,L’action se déroule en 1557. Solange de Maupré, fille d’un baron désargenté, inspirée par la lecture de l’histoire de Geoffroy, bouffon du roi Philippe V, en réclame un à son père pour se divertir. René, gentilhomme riche et amoureux de la jeune femme, se métamorphose sous les traits de Jacasse pour attirer son attention. La performance de Sarah Bernhardt, par sa diction et son jeu, est saluée de tous. Stéphanie Cantarutti, Conservateur en chef du patrimoine au musée du Petit Palais, rappelle dans le catalogue de l’exposition consacrée à la vie et l’œuvre de Sarah Bernhardt combien l’actrice aimait se projeter dans les rôles masculins qui offraient une palette d’émotions nuancées : « Dans aucun caractère de femme, disait-elle, je ne retrouve une telle variété de sentiments, une telle puissance évocatrice. ».

Notre modello est une mise en abîme de Sarah Bernhardt, actrice et commanditaire de l’œuvre littéraire de Miguel Zamacoïs et de l’œuvre picturale de Louise Abbéma. Le décor peint du foyer a été intégralement démonté vers 1943 et reste à ce jour non localisé. Le modello est donc un document unique pour la connaissance de l’histoire du théâtre de la ville de Paris, sujet à de multiples réfections et travaux au cours du XXe siècle, et dont on fête, en 2023, la réouverture.