Louis Gaston Amédée Charpentier Bosio

1858 - 1923

Œdipe maudit son fils Polynice ayant à ses côtés ses filles Ismène et Antigone

Huile sur toile

Dimensions : 145 cm x 113,5 cm
Description de l'oeuvre

Cet imposant tableau est une « esquisse peinte » pour le prestigieux concours du Grand Prix de Rome de peinture historique de 1883, organisé par l’Académie des Beaux-Arts, et dont le lauréat est récompensé par un séjour de trois années à la Villa Médicis de Rome. La redécouverte de ce tableau fini permet d’apprécier à la fois la mise en scène rigoureuse d’un sujet tiré de la mythologie grecque, Œdipe maudit son fils Polynice, et la grande qualité d’exécution de la toile par un artiste resté dans l’oubli. Le tableau jette un éclairage nouveau sur le début prometteur de la carrière de Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio.Lire la suite


L’attribution à Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio repose sur l’examen du recueil des calques dessinés pour l’épreuve finale du Grand Prix de peinture conservé dans les collections de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. En effet, le septième calque de la main de Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio correspond à la composition de notre tableau. Le peintre est âgé de vingt-cinq ans lorsqu’il figure parmi les finalistes. Étudiant dans l’atelier de William Bouguereau (1825-1905) depuis bientôt six ans, c’est la seconde fois qu’il accède à l’étape décisive dite de l’ « esquisse peinte ».

Le concours s’organise autour de 3 épreuves afin de sélectionner à chaque fois un nombre restreint de participants. La première épreuve consiste en une esquisse peinte dont le sujet est apporté par le professeur en exercice et qui reste la propriété des concurrents. La seconde épreuve est l’étude d’une figure nue d’après un modèle vivant. Enfin, pour l’ultime exercice, les dix participants sélectionnés reçoivent une feuille sur laquelle ils doivent fixer les traits de la composition du grand tableau qu’ils exécuteront par la suite, sans quitter la loge qui leur est désignée en fonction du rang d’admission au concours de la figure nue d’après modèle vivant. A l’issue de la seconde épreuve en 1883, Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio devance d’une place le futur lauréat du Grand Prix André-Marcel Baschet (1862-1941), reçu huitième. Le calque dessiné oblige l’artiste à conserver sa composition initiale mais laisse la possibilité de légers changements. Tous les calques portent en haut la signature A. Lenoir, nom du professeur du mois en exercice, qui a recueilli les esquisses. Pour exécuter le dessin préparatoire et l’ « esquisse peinte », les participants appelés logistes, travaillent tous les jours, sauf le dimanche, pendant un peu plus de deux mois. A la fin de l’épreuve, les œuvres peintes sont ensuite mises sous scellés avant d’être soumisent au jury et exposées publiquement.

Les archives de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts permettent de retracer cinq des tentatives de Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio pour remporter le Grand prix de Rome de peinture historique. Bien qu’aucune n’ait abouti, elles témoignent de la détermination du jeune peintre. En 1882, Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio fait partie des dix finalistes à entrer en loges pour exécuter l’esquisse peinte de Mattathias refuse de sacrifier ses idoles, comme le prouve le calque conservé. En 1883, il concourt avec notre tableau, Œdipe maudit son fils Polynice. Pour l’année 1886, les collections de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts conservent la Demi-Figure de la seconde épreuve du concours et le calque du sujet historique Claude proclamé Empereur. Le peintre réussit vaillamment à obtenir, lors du concours de 1887, le deuxième second Grand Prix avec la mort de Thémistocle achetée par l’État et déposée au musée Charles de Bruyères de Remiremont. La tête d’expression La Haine et le calque pour l’esquisse peinte d’Ulysse et Nausicaa matérialise la participation de Charpentier-Bosio au concours de 1888.

De l’étude préparatoire à notre tableau final, le groupe d’Œdipe aveugle, aidé de sa fille Ismène, maudissant son fils Polynice à ses genoux, a pris de l’ampleur, au détriment de sa fille Antigone, debout au second plan, plongée dans l’ombre. En bravant l’interdiction de donner une sépulture à son frère Polynice, elle est par la suite condamnée à mort. A travers un dessin précis et une délicate harmonie chromatique de couleurs froides, Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio réalise un tableau d’une grande force. La lumière solaire se décline en fonction de l’intériorité psychologique de chacun des personnages. La vision en raccourci de la figure de Polynice confirme la maîtrise du peintre pour la description de l’anatomie. La théâtralité de la composition pyramidale transparait dans la gestuelle des personnages débout, assis et à terre. Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio traite avec maestria un sujet mythologique respectant les codes de la grande peinture d’histoire dispensés à l’École des Beaux-Arts.
Le dynamisme de la mise en scène inspirée des vers de Sophocle dans Œdipe à Colone, évoque l’univers théâtral. Le tableau fait appel à des références culturelles connues des contemporains de Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio. La pose d’Antigone rappelle celle inversée, bras tendus et mains jointes de la comédienne Rachel présentée en muse de la tragédie par Jean-Léon Gérôme (c. 1859, musée Carnavalet). Antigone contemple immobile une mort irrémédiable. L’héroïne apparaît sous les traits d’une actrice contemporaine au succès fulgurant, sociétaire de la Comédie-Française depuis 1869 : Mademoiselle Sophie Croizette (1847-1901). Son visage ovale, au nez pointu et à la bouche charnue est connu grâce à un portrait peint par son beau-frère le peintre Carolus Duran (Portrait en amazone, 1873, musée Eugène Leroy de Tourcoing) et de nombreux clichés photographiques, au format carte-de-visite, provenant de l’atelier de Felix et de Paul Nadar. Deux œuvres de Louis-Gaston-Amédée Charpentier-Bosio attestent des liens noués avec les acteurs de théâtre. En 1902, il présente au Salon des Artistes Français le portrait de Mademoiselle du Minil de la Comédie-Française et en 1905 celui de Mademoiselle Kesly du théâtre de l’Odéon.

Dès sa première participation au Salon de la Société des Artistes Français de 1892, Charpentier-Bosio obtient une mention honorable. Le point culminant de sa carrière est la présentation au Salon de 1895 du Retour de pèlerinage ; Croatie (Autriche), pour lequel il remporte une médaille de 3e classe puis une médaille de bronze lors de son accrochage à l’exposition décennale des Beaux-Arts de l’Exposition universelle 1900 rassemblant les meilleures productions artistiques des dix dernières années. La toile est achetée en 1924 par Alexandre Ier roi de Serbie pour orner le palais royal de Belgrade.


On ne peut que se réjouir de la réapparition d’Œdipe maudit son fils Polynice, disparu depuis de nombreuses années, qui illustre parfaitement la virtuosité de son auteur et l’apprentissage rigoureux des artistes à l’École des Beaux-Arts au XIXe siècle.

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